vendredi 18 décembre 2009

9. Gladio : la guerre secrète des Etats-Unis pour subvertir la démocratie italienne (fomenter des coups d'Etat)


FOMENTER DES COUPS D'ETAT

Pendant ce temps, les groupes d'extrême droite étaient occupés à planifier des prises de pouvoir du gouvernement élu, avec l'encouragement actif d'officiels américains. Un document d'instructions de 1970 de 132 pages sur les « opérations de stabilité » dans les pays « hôtes » fit école. Il fut publié en tant que supplément B du manuel de campagne de l'armée américaine. Emboîtant le pas à des documents antérieurs du NSC [National Security Council (note du traducteur)] et de la CIA, le manuel expliquait qu' « une attention particulière devait être accordée à de possibles modifications de structure » si un pays ne se montrait pas suffisamment anticommuniste. Si celui-ci ne réagissait pas avec une « vigueur » adéquate, poursuivait le document, « des groupes agissant sous le contrôle des services secrets de l'armée américaine devaient être utilisés pour lancer des actions violentes ou non violentes, selon le cas de figure. » [Quand l'ambassade des Etats-Unis à Rome apprit que le document top secret allait être publié, elle déclara qu'une telle initiative serait « inopportune ». Après la publication, l'ambassade prétendit qu'il s'agissait d'un faux. Le texte intégral fut publié sous le titre « The Mysterious Supplement B : Sticking it to the “Host Country” », CovertAction, N° 3 (janvier 1979), pp. 11, 14-18. Mais Licio Gelli dit que la CIA lui en avait donné un exemplaire. BBC Special, « Gladio, Part III, The Foot Soldiers », 10 juin 1992.]
Avec des suggestions aussi incendiaires et des milliers de guérilleros préparés par les entraînements américains, les fascistes essayèrent de nouveau de prendre le pouvoir par la force en 1970. Cette fois-ci, le « Prince Noir » Borghese en fut l'instigateur. Cinquante hommes sous le commandement de Stefano Della Chiaie s'emparèrent du ministère de l'intérieur à Rome après y avoir été conduits de nuit par l'assistant du chef de la police politique Federico D'Amato. Mais l'opération fut abandonnée quand Borghese reçut un mystérieux coup de téléphone attribué par la suite au général Vito Miceli, le chef des services secrets militaires. Les conspirateurs ne furent pas arrêtés; au lieu de cela, ils repartirent après avoir volé 180 mitrailleuses [John Dinges et Saul Landau, Assassination on Embassy Row (Londres, Writers and Raeders, 1980), pp. 163, 170.].
La nouvelle de l'attaque resta secrète jusqu'à ce qu'un informateur ait filé un tuyau à la presse trois mois plus tard. A ce moment-là, les coupables s'étaient enfuis en Espagne. Bien que les meneurs fussent reconnus coupables en 1975, le verdict fut annulé en appel. Toutes les mitrailleuses sauf une avaient été restituées auparavant [Interview avec Jeff Bale, professeur/candidat au doctorat à l'Université de Californie].
C'est dans ce contexte que les Etats-Unis décidèrent de faire encore une fois tout leur possible pour empêcher les communistes de se renforcer aux élections de 1972. Selon le rapport Pike, la CIA déboursa 10 millions de dollars pour 21 candidats, principalement des démocrates-chrétiens [Aaron Latham, « The CIA Report the President Doesn't Want You to Read “The Select Committee's Record” », Village Voice, 20 février 1976, p. 23. Le Voice réimprima en deux parties l'intégralité du rapport du House Select Committee on Intelligence, plus connu sous le nom de  « Rapport Pike ».] Ce montant n'incluait pas les 800 000 dollars que l'ambassadeur Graham Martin, gravitant autour de la CIA, avait obtenu de la Maison Blanche par l'entremise d'Henry Kissinger pour le général Miceli [Ibid.]. Miceli eut à répondre plus tard d'inculpations pour la tentative de coup d'Etat de Borghese, mais, sur le même modèle, il fut disculpé.
La police déjoua une autre tentative de coup d'Etat la même année. Elle trouva une liste de coups et d'autres documents dévoilant l'existence de quelque 20 groupes subversifs qui formaient la structure du SID parallèle. Roberto Cavallero, un syndicaliste fasciste, était impliqué, tout comme l'étaient des généraux haut placés, qui dirent avoir obtenu l'approbation de l'OTAN et d'officiels américains. Dans un témoignage ultérieur, Cavallaro déclara que le groupe avait été mis en place pour rétablir l'ordre en cas de trouble. « Quand ces troubles n'éclatent pas [d'eux-mêmes] », dit-il, « ils sont fabriqués par l'extrême droite ». Le général Miceli fut arrêté, mais les tribunaux le libérèrent finalement, en déclarant qu'il n'y avait pas eu d'insurrection [Willems, op. cit., p. 107.].
L'extrême droite essaya à nouveau de renverser le gouvernement en 1974, avec l'imprimatur de la CIA et de l'OTAN, paraît-il. Son leader était Edgardo Sogno, l'un des combattants de la résistance les plus décorés d'Italie, qui avait formé un groupe dans le genre de Gladio après la guerre.
Sogno, qui s'était fait de nombreux amis américains influents alors qu'il travaillait à l'ambassade d'Italie à Washington pendant les années 60, fut plus tard arrêté, mais, lui aussi, fut finalement disculpé [Phillip Willan, Puppetmasters (Londres, Constable & Co., 1991), pp. 107-109] .

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